Cas clinique: une infirmière libérale, handicapée dans son travail par une acrophobie

Bien que je sois spécialisée dans le traitement d’adolescents, je rapporte ici le cas récent et sans doute plus générique, de Madame X qui est infirmière libérale près de Marseille dans le sud de la France. Elle est venue me consulter pour une acrophobie qui lui faisait perdre des heures sur ses trajets en raison notamment de la présence sur son trajet quotidien d’une passerelle. Outre cet impact sur son temps de travail, cette phobie ne lui permettait pas de profiter de profiter de  la région, des calanques, ces massifs à-pics typiques qui plongent dans la mer. Pour cette patiente, j’ai donc mis en place un traitement qui a duré 6 séances, dont 5 impliquant une exposition par la réalité virtuelle, séances qui étaient espacées chacune d’une dizaine de jours.

D’une façon générale, j’utilise le logiciel de la société C2care, et pour ce cas précis, le module dédié à l’acrophobie. La première séance est dédiée à la compréhension de la phobie, et un premier aperçu de techniques de relaxation (cohérence cardiaque). Dans la deuxième séance, j’entame une première exposition. Je démarre d’abord uniquement par le sommaire et les imagettes fixes qui présentent quelques-uns des points de vue dans la scène 3d pour que le patient se familiarise avec : les différents étages, la passerelle entre deux bâtiments… Puis on commence par entrer dans le premier bâtiment et on se familiarise ainsi avec l’interface. L’exposition ainsi que celles qui suivent durent une trentaine de minutes, pour des séances d’une durée totale de 45 minutes.

Pendant chaque exposition, je surveille que le niveau d’anxiété ne dépasse pas les 20 à 30% et j’adapte l’exposition afin que cela soit le cas. Cela implique d’abord de réaliser un mini-questionnaire en début de séance pour valider que le patient ne démarre pas la séance avec un stress important dû à sa journée. Je vérifie aussi que les exercices inter-séances ont été faits (des exercices de relaxation car il serait dangereux de laisser le patient s’exposer seul à ses phobies) Une fois ces validations faites, je définis avec le patient le “programme” de son exposition. Le but est d’en faire suffisamment en terme d’exposition tout en n’allant pas au delà de ses capacités. Il est important aussi de donner le sentiment au patient qu’il est maitre du niveau de difficulté qu’il choisit (même si en réalité j’oriente en fonction de ce que je connais via les séances précédentes). Si je réalise que l’exposition est trop forte, je peux revenir aux imagettes du sommaire pour reprendre un fil plus simple.

Une façon très efficace de donner de la confiance aux patients de les accompagner virtuellement. Leur dire qu’on est présent dans la scène virtuellement avec eux. Il m’arrive de prendre  la main des patients dans le réel  (surtout pour les plus jeunes) en leur disant “je vous tiens la main, je suis là, avec vous, je vous accompagne” pour les conforter dans le fait que je suis présent avec eux.

Pour mesurer le niveau d’anxiété du patient et adapter la difficulté, mes indicateurs sont visuels et verbaux. Je regarde l’expression du bas du visage, la tension dans les épaules, la façon dont les mains sont serrées ou pas au niveau des controlleurs, le fait que le patient sue ou non. Outre la simple observation de la cage thoracique, du souffle, j’utilise parfois un dispositif qui me permet de mesurer le niveau de saturation en oxygène et donc si le patient respire convenablement ou pas (idéalement je souhaiterais avoir plus de biofeedback, avec notamment une mesure de la fréquence cardiaque).

Chaque séance est conclue par un temps de relaxation, proche de ce qui est fait en hypnose, afin de s’assurer que patient part “bien”, fière de lui-même avec le sentiment d’avoir passé une étape. Ce moment est clef pour s’assurer que le patient est bien “revenu” et éviter un éventuel “raptus anxieux”.  Pour ajouter à ce sentiment de bien-être et de reconnexion, je propose souvent un verre d’eau fraîche en sortant.

Pour revenir au cas précis de cette patiente, nous n’avons pas décidé de façon officielle au terme des 6 séances de la fin du traitement. Nous avons convenu qu’elle reprendrait contact avec moi le cas échéant. J’ai depuis reçu un email et une photo d’elle dans les calanques me disant qu’elle considérait sa guérison comme “miraculeuse”, ce qui témoigne du succès de la méthode mise en œuvre sur ce cas d’acrophobie, sa qualité de vie étant  de meilleure qualité.

Docteur Violaine Gubler

Pédopsychiatre (Enfant, Adolescent, Jeune Adulte jusqu’à 25 ans) Spécialisée dans la prise en charge du Trouble Déficit Attentionnel  Hyperactivité (TDA/H) et Troubles des Conduites Alimentaires Neurofeedback Remédiation Cognitive Neuro-nutrition

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