L’efficacité comparée des vidéos 360° et des images de synthèse 3d pour les psychologues TCC dans le traitement des phobies par exposition virtuelle (TERV)

La réalité virtuelle pour traiter la phobie (TERV, thérapie d’exposition par la réalité virtuelle) se fait généralement via 2 types de technologies différentes.

– L’image de synthèse où l’on peut naviguer et interagir dans un environnement 3D paramétrique.

– Les vidéos 360 qui sont filmées à l’aide d’une caméra spécialisée et affichent avec un haut degré de fidélité les scènes.

Quand on regarde les offres commerciales haut de gamme, on constate que les deux types de technologies sont également utilisées. On pourrait alors se demander dans quel cas un type de technologie est plus pertinent que l’autre. Si les vidéos 360 ° VR sont décrites comme très efficaces par les psychologues qui les utilisent, la recherche clinique dans le domaine est quasiment inexistante. Pour pallier cette carence, nous avons donc décidé d’utiliser un article récent de Frontiers in Psychology “Vidéos VR 360 ° : une analyse SWOT de comparaison avec la réalité virtuelle” qui fait une comparaison dans le domaine de l’entraînement sportif, sur la base de nombreuses études. Même s’il s’agit d’un domaine différent, nous avons estimé qu’une partie de son contenu peut être utilisée pour comparer les deux approches.

Comme l’écrivent les auteurs Aden Kittel, Paul Larkin, Ian Cunningham et Michael Spittle, étant donné leur impact potentiel, il est essentiel de pouvoir comparer l’efficacité de chacune de ces approches de réalité virtuelle dans la formation des sportifs d’élite. Pour ce faire, ils utilisent une analyse SWOT (traduit en français : Force, Faiblesse, Opportunité, Menace) que nous résumons ici :

Les forces des vidéos 360 ° VR

En premier lieu, il faut préciser que les vidéos 360 ° VR ont un plus grand impact que les vidéos standard, non VR. Bien que cela puisse sembler évident, nous voulions le mentionner car de nombreux psychologues ont l’habitude d’utiliser des vidéos YouTube non VR pour traiter les phobies avec les TCCs, et doivent être conscients du réel bénéfice d’utiliser des vidéos 360°immersives, comme il a été démontré dans le cas de l’entraînement sportif (voir Kittel et al, 2019a) Un autre facteur moins évident est l’aspect plus ludique et plaisant des vidéos à 360 ° par rapport aux vidéos standards (sachant que la 3D présente ce même avantage) comme le montrent Kittel et al., 2020.

Le réalisme est aussi clé et les vidéos 360 ° sont supérieures à cet égard aux rendus 3D. En particulier, la VR à base d’images de synthèse entraîne un effet dit de « uncanney valley » (« vallée étrange »), c’est-à-dire des représentations graphiques pseudo-réalistes qui évoquent des sentiments désagréables (Vignais et al., 2015). Dans l’ensemble, la représentativité et la « validité écologique » étant plus fortes pour les vidéo 360 °, elles apportent des améliorations à l’entraînement sportif, comme le montrent Panchuk et al., 2018,  même si les résultats ne sont pas encore décisifs (sauf dans le groupe féminin : cela signifie-t-il que le genre pourrait également avoir un impact sur l’efficacité du traitement de la phobie VR? Une étude qu’il serait intéressant de faire…)

Enfin, le coût de production est également un avantage des vidéos VR 360 ° dans le domaine du sport lorsqu’on le compare à des coûts en image de synthèse. Pourquoi est-ce aussi important pour les psychologues TCC utilisant la VR pour les phobies? La raison en est simple : tout coût de production a un impact direct sur le coût de la solution pour le/la psychologue. Et son utilisation de la solution peut ne pas être suffisamment élevée pour justifier le coût: le point de bascule entre utile et trop coûteux doit donc être surveillé attentivement et peut favoriser les vidéos 360 ° VR à un moment donné.

Faiblesses des vidéos 360 ° VR

L’interaction avec l’environnement (bouger, donner des coups de pied…) est cruciale pour le couplage perception-action dans la compréhension de la performance sportive (Brault et al., 2015). Et c’est un facteur connu en réalité virtuelle que l’interaction donne un sentiment de réalisme à l’utilisateur (aidant le «continuum de virtualité» comme conceptualisé par Milgram). Bien que cela puisse être truqué (par exemple, fournir une roue ou des pédales non interactives à une personne affectée par l’amaxophobie), l’interaction au-delà de la direction du regard n’est pas possible avec les vidéos VR à 360 °. On peut donc considérer cela comme une limitation dans certains cas où l’interaction est cruciale. C’est très souvent le cas dans le sport, c’est moins évident pour un patient atteint d’acrophobie ou d’aviophobie par exemple où les actions sont très limitées.

Un autre élément est l’individualisation. Pour l’entraînement sportif en VR, l’individualisation compte, comme le montrent par exemple Faure et al. 2019 . Une vidéo donnée est en effet fixe et pourrait être limitative pour l’individualisation. Cependant, il convient de noter que le coût de production bon marché pourrait aider à avoir un très grand nombre de variantes de vidéos 360 ° VR et également des paramètres beaucoup plus personnalisés (par exemple le métro de la ville du patient pour l’agoraphobie)

La sensation de nausée associée parfois à la VR est également un élément important et constitue un facteur limitant dans les entraînements sportifs rapides en VR. Cependant, si on fait un parallèle dans la thérapie par exposition à la réalité virtuelle, le point n’est pas pertinent car il n’y a pas de mouvement rapide dans la plupart des scénarios de phobies (même dans l’amaxophobie, le véhicule se déplace rapidement mais uniquement sur deux axes et assez régulièrement). De plus, les caméras vidéo à 360 ° ont maintenant d’excellents algorithmes de stabilisation qui empêchent de tels problèmes.

Opportunités pour les vidéos 360 ° VR

L’article mets en avant les opportunités pour les officiels sportifs qui sont plutôt statiques (arbitres…) et dans des situations où la réponse est verbale, non liée à une action. Compte tenu de la nature des phobies traitées par les TCC, ces caractéristiques sont présentes dans la plupart des cas, car les patients marchent principalement et n’interagissent pas physiquement lorsqu’ils sont exposés à la phobie.

Une autre opportunité pointée dans le sport est la capacité des vidéos VR 360 ° à répondre à un éventail beaucoup plus large d’athlètes compte tenu du coût financier (non seulement dans la production mais aussi dans les appareils utilisés). Bien que nous n’allons pas jusqu’à comparer des psychologues à des athlètes (même si étant donné les difficultés sanitaires, cela ne serait pas si exagéré 😉), il est évident qu’un éventail beaucoup plus large de psychologues TCC pourrait être aidé avec ce type de VR.

Enfin, les vidéos 360 ° VR (comme celles à base d’image de synthèse) se développeront également encore plus lorsque des systèmes de vibration seront disponibles (par exemple pour l’aérophobie). Par souci d’exhaustivité, nous précisons également que les dispositifs de simulation olfactive apporteront probablement une grande aide à la fidélité et à l’impact des systèmes VR en général (mysophobie, agoraphobie…)

Menaces pour les vidéos 360 ° VR

Les nausées liées à la VR seraient plus élevées chez les femmes et on peut se demander si ce serait aussi le cas pour les vidéos à 360 ° dans le sport. Ceci étant, cela ne s’applique généralement pas dans le cas de la phobie comme nous venons de l’expliquer.

L’acceptation dépendra également de l’acceptation de la technologie par les sportifs professionnels, athlètes, entraîneurs…). En TCC, on pourrait se demander la même chose: les psychologues accepteront-ils la technologie au coeur de la relation patient-praticien? Cette question va beaucoup plus loin que les vidéos à 360 °, mais il faut noter que les systèmes basés sur la vidéo par opposition aux systèmes VR en image de synthèse sont beaucoup plus faciles à prendre en charge et à maintenir au fil du temps car ce sont des technologies plus simples. Et tout risque technique doit absolument être minimisé pour ne pas perturber la relation patient-psychologue.

Enfin, dans un avenir (lointain), la RV basée sur de l’image de synthèse pourrait atteindre le même niveau de réalisme que les vidéos à 360 °. Dans un tel avenir, les vidéos 360 ° n’auront plus cet avantage mais d’autres (coût, individualisation…) resteront.

Conclusions pour le traitement de la phobie en TCC avec les vidéos 360 ° VR

L’article de Frontiers in psychology conclut que « la réalité virtuelle à 360 ° semble être une technologie prometteuse pour évaluer et développer les compétences décisionnelles dans le sport». Les auteurs soulignent en particulier l’aspect coût par rapport aux autres formes plus coûteuses de technologies de réalité virtuelle. Bien que la VR basée sur images de synthèse présente des avantages uniques qui peuvent aider les phobies et, bien que ceux-ci continueront de s’améliorer au cours des prochaines années à mesure que la technologie augmente et que les coûts diminuent, nous pensons que la réalité virtuelle à 360 ° dans la plupart des cas sera décisive dans l’expansion et la démocratisation de l’exposition en VR pour les thérapies TCC. Le coût de production, le coût de l’équipement, la facilité d’utilisation et de maintenance, l’individualisation potentielle (due au coût de prise de vue abordable) sont des éléments clés qui font des vidéos 360 ​​° en VR un excellent outil du quotidien pour le psychologue TCC dans le traitement des phobies !

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